Alors que les Vosges ont bénéficié d’une belle couche de neige en début d’année, la station de Rouge-Gazon à Saint-Maurice-sur-Moselle est restée désespérément silencieuse. Trente à quarante centimètres de poudreuse immaculée recouvraient les pistes, mais pas un skieur en vue. La raison? Pour la troisième année consécutive, les remontées mécaniques sont restées à l’arrêt, victimes de difficultés financières insurmontables. Une situation qui désespère tant les habitués de cette petite station familiale que les professionnels du tourisme local.
La SAS Morlot, délégataire responsable des remontées mécaniques, n’a pas pu se permettre une ouverture cette saison, prolongeant ainsi le calvaire de ce site habituellement prisé des amateurs de glisse. Une situation qui s’inscrit dans un contexte plus large de difficultés pour les petites stations de moyenne montagne, confrontées aux défis du réchauffement climatique et à des modèles économiques de plus en plus fragiles.
Un domaine skiable abandonné depuis mars 2023
La situation de Rouge-Gazon est d’autant plus tragique que cette station vosgienne n’a pas accueilli le moindre skieur depuis plus de deux ans. La dernière saison d’exploitation remonte à mars 2023, laissant les infrastructures à l’abandon pendant ce qui semble une éternité pour les passionnés locaux.
Pourtant, l’hiver 2025 avait commencé sous de bons auspices avec des chutes de neige significatives, une denrée devenue rare ces dernières années dans le massif vosgien. Mais même cette météo favorable n’a pas suffi à relancer l’activité.
- Mars 2023 : Dernière saison d’exploitation
- Novembre 2023 : Annonce de non-ouverture pour l’hiver suivant
- Janvier 2024 : Tentatives infructueuses de reprise
- Hiver 2024-2025 : Station toujours fermée malgré des conditions d’enneigement favorables
Le contraste est saisissant entre les montagnes enneigées et l’absence totale d’activité sur ce domaine autrefois animé. Les remontées figées dans le paysage hivernal offrent un spectacle mélancolique qui symbolise parfaitement les difficultés rencontrées par cette station familiale.
Les raisons d’une fermeture prolongée
Plusieurs facteurs expliquent cette situation désastreuse pour la station de Saint-Maurice-sur-Moselle. D’abord, des difficultés financières chroniques ont empêché la SAS Morlot, gestionnaire des remontées mécaniques, de poursuivre l’exploitation dans des conditions économiquement viables.
À cela s’ajoutent des tensions juridiques entre les différentes parties prenantes, notamment avec la commune et les autres acteurs économiques du site. Une situation qui a progressivement enlisé le domaine skiable dans un imbroglio administratif et financier difficile à démêler.
| Facteurs de fermeture | Impact sur la station | Conséquences locales |
|---|---|---|
| Difficultés financières | Impossibilité d’entretenir les remontées | Perte d’emplois saisonniers |
| Conflit juridique | Blocage des décisions | Incertitude pour les commerces locaux |
| Coûts d’exploitation croissants | Modèle économique non viable | Baisse de l’attractivité touristique |
| Changement climatique | Enneigement incertain | Nécessité de repenser l’offre touristique |
« C’est un véritable gâchis, » confie un habitué des lieux qui venait skier à Rouge-Gazon depuis plus de vingt ans. « Cette année, la neige était là, mais pas les moyens de faire fonctionner les remontées. On aurait pu avoir une belle saison… »
L’impact économique sur le territoire vosgien
La fermeture prolongée de Rouge-Gazon ne se limite pas à l’absence de skieurs sur les pistes. C’est tout un écosystème économique local qui se trouve fragilisé par cette situation. L’auberge attenante à la station, les commerces environnants et les prestataires de services liés à l’activité hivernale subissent de plein fouet les conséquences de cette fermeture.
Selon les estimations de la Chambre de Commerce et d’Industrie des Vosges, l’impact financier direct et indirect de cette non-saison pourrait dépasser le million d’euros pour l’économie locale. Une perte significative pour un territoire déjà confronté à des défis économiques importants.
- Hébergements : taux d’occupation en baisse de 45% par rapport aux années d’exploitation normale
- Restauration : chiffre d’affaires réduit de 30% pour les établissements proches
- Commerces : perte de clientèle estimée entre 25 et 40% selon les secteurs
- Emplois saisonniers : environ 25 postes non pourvus cette saison
Les conséquences sont également visibles sur la fréquentation touristique globale du secteur. L’attractivité de Saint-Maurice-sur-Moselle et des communes avoisinantes s’est considérablement réduite en période hivernale, entraînant un report partiel vers d’autres destinations vosgiennes ou alpines.
Des emplois perdus et des vocations brisées
Au-delà des chiffres, ce sont des visages et des histoires que cache cette fermeture. La non-ouverture de Rouge-Gazon signifie concrètement la disparition d’emplois saisonniers essentiels à l’économie locale : moniteurs de ski, personnels des remontées mécaniques, employés de restauration et d’hébergement.
Marie L., ancienne monitrice de ski à Rouge-Gazon, témoigne : « J’ai dû me reconvertir après 12 ans à enseigner sur ces pistes que je connais par cœur. Certains collègues sont partis dans d’autres stations, d’autres ont complètement changé de métier. C’est tout un savoir-faire local qui se perd. »
| Professions impactées | Nombre d’emplois perdus | Solutions de reconversion |
|---|---|---|
| Moniteurs de ski | 8 | Départ vers d’autres stations ou reconversion |
| Personnel des remontées | 12 | Chômage saisonnier ou emplois dans d’autres secteurs |
| Restauration sur site | 6 | Activité réduite ou fermeture temporaire |
| Locations matériel | 4 | Fermeture ou réorientation vers d’autres activités |
Plus inquiétant encore, cette situation pourrait avoir un impact à long terme sur les vocations dans le secteur des sports d’hiver. Les jeunes générations locales, privées d’un accès facile à la pratique du ski, risquent de se détourner de ces activités traditionnelles du massif vosgien.
Une bataille judiciaire qui s’éternise
L’avenir de Rouge-Gazon se joue désormais dans les tribunaux. La bataille judiciaire qui oppose la SAS Morlot, délégataire des remontées mécaniques, à diverses parties prenantes dont la commune de Saint-Maurice-sur-Moselle, continue de bloquer toute solution concrète.
Le contentieux porte principalement sur les conditions de la délégation de service public et les responsabilités respectives dans l’entretien et le financement des équipements. Une audience cruciale est prévue au tribunal administratif d’Épinal en mai 2025, mais les observateurs restent pessimistes quant à une résolution rapide.
- Désaccord sur la répartition des investissements nécessaires
- Litige concernant les conditions de la délégation de service public
- Contestation des obligations d’entretien des infrastructures
- Débat sur la viabilité économique globale du site
Cette judiciarisation du dossier complique considérablement la recherche de solutions alternatives et retarde toute possibilité de reprise rapide de l’activité. Pendant ce temps, les installations continuent de se dégrader, rendant la réouverture toujours plus coûteuse et hypothétique.
Des tentatives de médiation infructueuses
Plusieurs tentatives de médiation ont été initiées depuis 2023, notamment par le département des Vosges et la région Grand Est. L’avenir de la station semblait même prometteur fin 2023, avec l’annonce d’un possible accord entre les différentes parties.
Mais ces tentatives se sont systématiquement heurtées à des obstacles juridiques et financiers insurmontables. Le dernier round de négociations, mené en février 2025 sous l’égide du préfet des Vosges, n’a pas permis de dépasser les blocages existants.
| Date | Initiative de médiation | Résultat |
|---|---|---|
| Septembre 2023 | Médiation départementale | Échec – désaccord persistant sur les investissements |
| Janvier 2024 | Proposition de reprise par la Région | Refusée – coûts jugés trop importants |
| Octobre 2024 | Table ronde avec les acteurs économiques | Sans suite – absence de garanties financières |
| Février 2025 | Médiation préfectorale | Nouvelle impasse juridique |
Le maire de Saint-Maurice-sur-Moselle, contacté par nos soins, reste prudent : « Nous sommes toujours à la recherche d’une solution qui préserverait ce patrimoine touristique important pour notre commune. Mais les obstacles juridiques et financiers sont considérables. »
Quel avenir pour les stations de moyenne montagne ?
Le cas de Rouge-Gazon illustre parfaitement les défis auxquels sont confrontées les petites stations de moyenne montagne en France. Entre changement climatique, modèles économiques fragiles et concurrence des grandes stations alpines, leur avenir semble de plus en plus incertain.
Selon une étude de l’Association Nationale des Maires des Stations de Montagne, près d’un tiers des petites stations françaises pourraient connaître des difficultés similaires à celles de Rouge-Gazon d’ici 2030 si aucune adaptation majeure n’est entreprise.
- Diversification nécessaire : développement d’activités quatre saisons
- Transition énergétique : réduction des coûts d’exploitation
- Modèles collaboratifs : mutualisation des ressources entre stations
- Tourisme expérientiel : valorisation d’une offre alternative au « tout ski »
Les experts s’accordent sur un point : l’avenir des stations comme Rouge-Gazon ne pourra pas se limiter au ski alpin classique. Une diversification des activités et une redéfinition de l’offre touristique semblent incontournables pour assurer leur pérennité.
Des pistes de reconversion pour Rouge-Gazon
Malgré le pessimisme ambiant, plusieurs scénarios de reconversion sont envisagés pour le site de Rouge-Gazon. La station vosgienne pourrait notamment se réinventer autour d’activités moins dépendantes de l’enneigement.
Parmi les pistes explorées, la transformation du site en centre de pleine nature quatre saisons semble recueillir certains suffrages. L’auberge, qui continue de fonctionner malgré la fermeture des pistes, pourrait devenir le cœur d’un nouveau projet touristique axé sur la randonnée, le VTT, ou encore l’agrotourisme.
| Scénario de reconversion | Activités envisagées | Investissements estimés |
|---|---|---|
| Centre de pleine nature | Randonnée, VTT, orientation | 500 000 – 800 000 € |
| Parc d’aventures | Accrobranche, tyroliennes, parcours | 1,2 – 1,5 million € |
| Centre d’interprétation naturel | Tourisme scientifique, découverte faune/flore | 700 000 – 900 000 € |
| Station quatre saisons | Maintien partiel ski + activités estivales | 2 – 3 millions € |
Une association locale, « Sauvons Rouge-Gazon », s’est constituée en janvier 2025 pour promouvoir des solutions alternatives et maintenir une forme d’activité sur le site. Son président, Jean-Marc Thiébaut, reste optimiste : « Ce site exceptionnel mérite mieux qu’un abandon. Nous travaillons sur un projet citoyen qui pourrait lui redonner vie, avec ou sans neige. »
La réaction des amoureux de la station
L’émotion reste vive parmi les nombreux habitués de Rouge-Gazon. Cette station familiale avait su, au fil des décennies, créer une véritable communauté d’amateurs fidèles, séduits par son ambiance conviviale et son cadre naturel préservé.
Sur les réseaux sociaux, un groupe « Mémoires de Rouge-Gazon » rassemble désormais plus de 3 000 membres qui partagent photos souvenirs et anecdotes. Le retrait du groupe Morlot a provoqué une vague de réactions nostalgiques mais aussi indignées face à ce qu’ils considèrent comme un abandon.
- Organisation de rassemblements symboliques sur le site
- Création d’une pétition ayant recueilli plus de 5 000 signatures
- Mobilisation des élus locaux et régionaux
- Partage de témoignages et souvenirs sur les réseaux sociaux
« C’est toute une partie de mon enfance qui disparaît », confie Céline, 42 ans, qui venait skier à Rouge-Gazon depuis l’âge de 5 ans. « J’y ai appris à skier, j’y ai amené mes propres enfants. Cette fermeture, c’est comme perdre un lieu de famille. »
Cette mobilisation citoyenne, si elle n’a pas encore permis de débloquer la situation, témoigne de l’attachement profond que suscite cette petite station vosgienne dans le cœur de ses fidèles.
L’impact sur les traditions locales
Au-delà des aspects économiques et touristiques, la fermeture de Rouge-Gazon affecte également certaines traditions locales bien ancrées. Les compétitions de ski scolaires, les courses populaires ou encore la traditionnelle « Fête de la neige » ont disparu du calendrier local.
Ces événements constituaient non seulement des moments festifs attendus mais aussi des occasions de transmission entre générations et de valorisation des savoir-faire locaux liés aux sports d’hiver.
| Événement traditionnel | Historique | Impact de la fermeture |
|---|---|---|
| Challenge des écoles | Depuis 1987 | Déplacé à La Bresse, participation réduite |
| Fête de la neige | Tradition de 45 ans | Annulée depuis 2023 |
| Course nocturne | Créée en 1998 | Disparition complète |
| Démonstration de métiers de montagne | Événement annuel | Perte d’un outil de sensibilisation |
Marcel, ancien pisteur-secouriste à Rouge-Gazon pendant 25 ans, ne cache pas son amertume : « On avait créé quelque chose d’unique ici, avec des valeurs de simplicité et de partage. Voir tout cela disparaître, c’est perdre une partie de notre identité montagnarde. »
La question qui se pose désormais est celle de la préservation de ce patrimoine immatériel, indépendamment du sort des infrastructures de la station elle-même.
